La côte sud de la Péninsule Ibérique, l’ancienne orla maritima des Romains, est encore aujourd’hui une des régions d’Europe où le temps présent et le temps passé se combinent (malgré l’invasion touristique) pour créer une atmosphère irréelle de temps suspendu en notre propre temps. Pour le voyageur qui arrive au sud du Portugal par avion à Faro, la vue aérienne des salines géométriques, de forme carrée ou rectangulaire, est un spectacle inoubliable, même s’il dure une minute ou deux. Au sol, c’est une autre affaire. Un paysage comme un labyrinthe , quelquefois à perte de vue et qui au coucher du soleil peut nous rappeler la peinture métaphysique d’un Giorgio de Chirico, habitat permanent d’oiseaux rares et aussi, pendant la saison, de travailleurs du sel.
C’est ce monde entre le naturel et l’artificiel que Thérèse Joly a lentement découvert pendant ses visites au Sotavento de l’Algarve. Avec un œil d’aigle, elle a photographié de simples détails dépourvus de référence, et les hommes travaillant le sel avec des techniques qui ont peu changé depuis les temps anciens.
Le sel était dans l’Antiquité non seulement un produit pour la cuisine et la conservation des aliments, mais il était aussi employé comme monnaie d’échange. Il a donné son origine au mot salarius qui est devenu le salaire de notre temps. Aujourd’hui on peut voir encore en Algarve des techniques de travail pas très différentes de celles d’il y a deux mille ans. Et c’est à Tavira, une très ancienne ville, qu’on peut voir encore la production de la flor de sal, la fleur du sel.
Thérèse est partie à la découverte de ce monde, si près de nous mais souvent totalement ignoré, et avec son intuition poétique nous a dévoilé la profonde relation entre l’homme, l’eau et le sel.
Bartolomeu dos Santos, graveur
Postface du livre Le Sel-sous le vent de l’Algarve de Thérèse Joly